Il a de l’eau jusqu’à la taille, le torse et la tête couverts de savon. Il accepte en riant qu’on prenne sa photo. L’homme, un Afghan, se baigne dans les rejets tièdes de l’usine chimique Tioxide, à Calais. C’était vendredi après-midi, près de la forêt où vit une partie des 1 000 migrants sans-abri (1) présents dans la ville, candidats à l’asile vers le Royaume-Uni, et passagers clandestins la nuit dans (ou sous) les camions vers Douvres.
Depuis six mois que le Secours catholique, débordé, a cessé de leur offrir des douches, être propre est devenu une gageure pour les migrants. En plus d’avoir à fuir la police qui les harcèle, à se protéger des passeurs armés, et à vivre comme des loups dans les bois.
Noyé. La source d'eau tiède est facile à trouver : quelques marches de ciment, une rampe de métal et une pancarte, en français, en anglais et en arabe, qui indique que l'eau n'est pas potable. Zabih, 19 ans, de Kaboul, raconte : «Je n'y vais pas. Une fois, j'ai voulu me laver, mais j'ai goûté l'eau, elle était salée.» En haut des marches, un autre en sort, grelotte dans ses vêtements mouillés : «Je me lave ici deux fois par semaine. On est bien obligé, on ne peut pas aller ailleurs.» Ailleurs, un homme est mort noyé, le 13 juin. Il s'appelait Aman, il était érythréen, et il a coulé dans un des bras du port.
«Les Afghans se lavent près de l'usine, et les Erythréens dans le port», explique Céline Dallery, infirmière à la permanence d'accès