Annoncer la mort du socialisme. N’est-ce pas prématuré ?
Manuel Valls : Je ne sous-estime ni la force des mots, ni l'attachement aux symboles et à une histoire de luttes sociales. Des générations entières ont associé leur espoir au mot «socialisme». Mais cet attachement justifie-t-il de conserver un vocable quand la gauche a partout échoué à le mettre en œuvre ? A l'origine, Pierre Leroux a inventé ce mot pour faire pièce à l'individualisme : il y a là une dimension collective qui pourrait encore être utile. Mais socialisme a surtout très longtemps signifié socialisation des moyens de production, ce qui est aujourd'hui tout à fait impossible ! Créer une espérance pour le XXIe siècle en utilisant un concept ambigu du XIXe risque de brouiller notre identité. Il faut désormais privilégier la clarté du projet au fétichisme des mots. Un changement de nom serait un signe fort de notre rénovation.
Aquilino Morelle : Je crois que l'idée socialiste reste vivante. Les valeurs qu'elle porte - égalité, progrès, maîtrise d'un destin collectif - sont fortes et pérennes. Et sa mission historique n'est pas achevée : combattre, maîtriser un capitalisme qui devient sauvage lorsqu'il est livré à lui-même ; et proposer un modèle de développement différent. L'actualité du socialisme, c'est de continuer à encadrer le capitalisme tout en défrichant les territoires d'une nouvelle utopie. Une utopie qui échappe à l'«économisme», c'est-à-dire au primat accordé à l