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Libération

Le désert idéologique français

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Il n’y a plus un seul maître à penser comme le furent Aron, Sartre ou Camus. Il n’y a plus, en politique, d’intellectuels phares sur le modèle d’Althusser, Furet, Braudel ou Foucault.
publié le 27 août 2009 à 6h53
(mis à jour le 27 août 2009 à 6h53)

«La politique, ce sont les idées», s'exclamait le vénérable Albert Thibaudet en ouverture de l'un de ses livres les plus fameux (1). Ce n'était déjà qu'à moitié vrai lorsqu'il l'écrivait, au tournant des années 1930 : «Les forces sociales, les intérêts économiques et financiers, les histoires nationales pesaient déjà puissamment.»

Aujourd'hui, quatre-vingt années plus tard, dans la France du XXIe siècle, cela sonne carrément faux. Même au cœur du pays traditionnellement le plus fiévreux d'Europe, le débat politique est devenu un véritable désert idéologique. Il n'y a plus un seul maître à penser comme le furent Aron, Sartre ou Camus. Il n'y a plus, en politique, d'intellectuels phares sur le modèle d'Althusser, Furet, Braudel ou Foucault. Le monde s'est métamorphosé, le communisme s'est effondré, la mondialisation s'est imposée, l'individualisme a triomphé, la crise financière, économique, écologique, sociale submerge les clivages. On aurait pu imaginer que, face à de tels tremblements d'univers, la pensée politique allait se renouveler, que des projets allaient surgir, que des auteurs allaient grandir, que les idéologies allaient se reconstruire. Il n'en a rien été. Cela viendra un jour. Les hommes ne se passent pas d'utopies, ni les sociétés d'horizons ou de mirages. On entrevoit bien quelques pistes, quelques chimères, quelques intuitions, quelques prises de conscience ici ou là mais rien de fort, rien de bâti, rien de vigoureux, rien de cohére