Catherine Wihtol de Wenden est directrice de recherche au CNRS (Ceri) et docteur en science politique (IEP Paris). Spécialiste des migrations internationales, elle a participé à l'ouvrage L'Enjeu mondial, les migrations (1).
Que pensez-vous du nettoyage très médiatisé de la «jungle» de Calais ?
J’y vois un lien avec le retrait de la circulaire sur les tests ADN pour le regroupement familial. Un certain nombre de députés de droite ayant voté la loi ont été déçus que le ministre enterre cette disposition. Pour contrecarrer, dans la même semaine, cette image humaniste, Eric Besson a voulu montrer par un signe fort qu’il est capable de mener une politique dure.
La fin de la «jungle» va-t-elle dissuader les migrants de se rendre à Calais et désorganiser les réseaux de passeurs, comme l’affirme Eric Besson?
Je ne me fais pas d'illusions. Quand Nicolas Sarkozy était ministre de l'Intérieur, il a supprimé, en 2002, le centre de la Croix Rouge de Sangatte [commune littorale du Pas-de-Calais, ndlr]. Le résultat, c'est ce que l'on a aujourd'hui : la dispersion alentours des personnes voulant passer en Angleterre. A partir du moment où l'Eurostar et les ferries partent de cette zone, les gens vont attendre quelques mois, puis se réinstaller dans les jardins publics de Calais. Quant aux passeurs, en annonçant la fermeture de la «jungle», Besson leur a laissé le temps de s'installer ailleurs.
Les Etats ne peuvent se satisfaire de ces regroupements d’étrangers sur le littoral…
Les gens viennent à Calais parce qu'ils savent que d'autres ont réussi à passer. Et tant qu'il y aura la guerre en Afghanistan, ils continueront à venir. Que faut-il faire ? Leur proposer une alternative. Scolariser les mineurs comme le prévoit la Convention internationale des droits de l'enfant