Il y a vingt ans, le mur séparant l’Europe communiste et l’Europe démocratique s’effondrait comme un château de cartes, les dix ans de résistance non violente du syndicat Solidarité avaient donné le premier coup de pioche. Un avenir radieux s’annonçait. L’Europe arbitrairement divisée en deux par le Rideau de fer, menacée quotidiennement par la guerre froide était sauvée. Qu’en est-il aujourd’hui ? La crise, l’immobilisme, l’Europe brocardée comme une nouvelle bureaucratie sans âme et victime d’un désamour persistant… En fin de compte, la chute du Mur a-t-elle sauvé l’Europe ?
Rémi Brague Professeur de philosophie aux universités de Paris-I et Munich. Du Dieu des chrétiens et d'un ou deux autres, Flammarion, 2009.
Georges Mink Sociologue, enseignant au Collège d'Europe à Varsovie et à Sciences-Po. L'Europe et ses Passés douloureux, la Découverte, 2007.
Georges Mink : Si on parle de la réunion démocratique de l'Europe, incontestablement oui ! Avant 1989, c'était une totale asymétrie de deux mondes. Derrière le rideau de fer, il était interdit de s'exprimer, de se déplacer, de se réunir. L'économie était en berne. L'échec du projet socialiste réside dans le modèle de développement appliqué. Les croissances étaient négatives, les gens faisaient des files d'attente pendant des heures pour un rouleau de papier toilette. Le papier toilette est devenu le symbole de la pénurie à l'Est. C'était incroyable, la disette de ces pays ressemb