C’était vraiment une excellente idée de MM. Sarkozy et Hortefeux que de réunir en un même nom de ministère ces deux termes : «immigration» et «identité nationale». Cela nous permet de nous souvenir qu’il n’y a d’identité nationale que par l’immigration.
La philosophie politique classique s'est constamment demandé ce qui faisait d'un peuple un peuple - c'est-à-dire en quoi il ne se réduit pas à une collection d'individus (et la solution était le plus souvent : le pacte social, par lequel se constitue un tout irréductible doté de la souveraineté, dont les individus deviennent sujets ou citoyens). Elle s'est moins demandé ce qui faisait de ce peuple tel peuple - c'est-à-dire en quoi il se distingue non plus des individus mais de tous les autres peuples.
Ce sont les revendications nationales du XIXe siècle qui se sont chargées de le faire. Le plus souvent grâce à une opération tout à fait étrange, remarquablement analysée par Anne-Marie Thiesse (1) : aussi bien pour les poèmes épiques fondateurs que pour les vêtements régionaux, pour les mœurs que pour les paysages, on crée l'identité nationale dans le moment même, dans le geste même où l'on prétend la sauver de l'oubli. On fabrique, presque de toutes pièces, des signes de reconnaissance dont on proclame qu'ils remontent à la plus haute antiquité et sont justement aujourd'hui menacés de disparition. Le mouvement d'instauration se fait donc passer, avec la meilleure foi du monde, pour un mouvem