En cette fin d’année - et de décennie - l’actualité et la mémoire se croisent autour de quelques images, révélatrices de la façon dont évolue la «question d’Europe». L’effet en est plutôt discordant. C’est l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, qui semble vérifier l’avancée vers un avenir «post-national», même au prix de compromis en matière de démocratisation et d’extension des droits. Mais c’est aussi la dérive raciste des opinions publiques, dont la «votation des minarets» est le signe (justement parce que la Suisse, qui n’est pas officiellement membre de l’UE, nous renvoie notre image en miroir). A quoi il faut associer le bilan équivoque des vingt ans de réunification du continent européen. Rien de simple, rien d’homogène, rien de fatal. Mais une question lancinante : qu’est-ce qui l’emporte aujourd’hui, des premiers pas d’une nouvelle citoyenneté ou des régressions identitaires ? Les réflexions que je propose sont assez pessimistes. Mais elles veulent suggérer qu’il y a toujours plus de possibilités d’évolution, ou de bifurcation, qu’on n’imagine à l’avance.
Revenons à 1989. Pour la moitié de l'Europe ce fut une vraie révolution : ouverture des frontières, renversement d'une machine de pouvoir, transformation des rapports sociaux, mutation des discours, souvent à l'initiative des citoyens eux-mêmes. La définition de Lénine : «ceux d'en haut ne pouvaient plus gouverner, ceux d'en bas ne voulaient plus être gouvernés» comme avant, s'y applique parfaitement. M