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TRIBUNE

Le pays où on enferme les nourrissons

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par Jean Matringe, professeur de droit public, université de Versailles Saint-Quentin et Karine Parrot, professeure de droit privé, université de Valenciennes
publié le 23 décembre 2009 à 0h00

Jusqu’où un système qui se déclare fondé sur le respect des droits fondamentaux peut-il aller dans la maltraitance des êtres humains sans perdre son âme ? Nous avons une nouvelle preuve qu’en France le seuil est aujourd’hui franchi.

En effet, par deux arrêts du 10 décembre, la Cour de cassation vient de juger sans plus de motivation que le maintien en rétention avec leur famille de deux nourrissons (deux mois et demi et un an) ne constitue pas en tant que tel un traitement inhumain ou dégradant. Pourtant, dans les deux affaires en cause, deux présidents de cour d'appel et un juge des libertés avaient jugé que «les conditions de vie anormales imposées à ces très jeunes enfants quasiment dès leur naissance» et «la grande souffrance morale et psychique infligée aux parents par cet enfermement» interdisaient un tel traitement au regard de la Convention européenne des droits de l'homme. L'avocat général de la Cour de cassation avait quant à lui invité la Cour à confirmer cette position contre l'obstination des préfets.

Ainsi, la Cour de cassation, gardienne de la liberté individuelle - comme avant elle le Conseil d’Etat, garant du respect du droit par l’Etat - accompagne la politique inhumaine de lutte contre l’immigration menée par le gouvernement. Car, comment qualifier autrement la soustraction soudaine d’enfants à leur cadre de vie habituel pour être enfermés plus de quinze jours, fussent-ils accompagnés de leurs parents, dans un milieu inconnu régi par une lo