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Libération
EDITORIAL

Don Quichotte

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publié le 8 janvier 2010 à 0h00

Dans l’hommage unanime rendu à Philippe Séguin, il y a plus que la sympathie naturelle qui va vers un des plus humains de nos hommes publics. Cet ambitieux hanté par l’échec, ce manœuvrier sans cynisme, ce géant rond fait d’aspérités avait la fragilité des hommes tout d’une pièce, la faiblesse des colériques, la chaleur d’un introverti qui se libère. Il portait avec lui les colères du philosophe et la mélancolie de l’homme d’action. Les témoignages émus qu’on entend vont surtout vers une certaine idée de la politique qui fait cruellement défaut en ces temps de médiocre réalisme électoral et médiatique, où les vedettes de la politique ont descendu de catégorie. Pied-noir sanguin, amateur des émotions collectives et sportives, pupille de la nation à l’éternelle reconnaissance, paladin d’un gaullisme d’Epinal, Philippe Séguin était habité d’un rêve républicain, celui d’une France candide et réconciliée, où camps et chapelles perdaient leurs préjugés pour se réunir dans une fraternité fière et patriote. Sans doute était-il d’une autre époque, plus héroïque et moins factice. Sans doute s’est-il perdu dans les intrigues d’une droite compliquée, où un crocodile nommé Chirac, animal froid et programmé, n’a fait qu’une bouchée de ce prophète ombrageux. Sauf qu’on cherche vainement, aujourd’hui, dans ce théâtre de médiocres calculs, un responsable de cette qualité, qui conduit sa vie non dans la seule idée de gouverner mais parce qu’il veut gouverner pour une idée. Philippe Séguin éta