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Libération
Interview

«Le Rhône unifie et sépare»

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Le politologue Philippe Dujardin pointe le rôle du fleuve dans la construction de l’identité régionale :
par Olivier Bertrand et Anne-caroline JAMBAUD, correspondant à Lyon
publié le 2 mars 2010 à 0h00

Philippe Dujardin, 64 ans, est politologue et chercheur au CNRS. Il a publié de nombreux articles sur l’agglomération lyonnaise, consultables sur le site Millenaire3.com du Centre ressources prospectives du Grand Lyon. Il évoque ici les questions identitaires en Rhône-Alpes.

Quels marqueurs identitaires repérez-vous dans la variété de la région ?

Ils sont multiples. Economique : Rhône-Alpes concentre des savoir-faire industriels et scientifiques. Politique dans le rapport de ce territoire à la Résistance. Culturel : cette région a été l’épicentre de la décentralisation culturelle. Géographique, aussi, si l’on pense au fleuve Rhône. Historiquement, le duché de Savoie, le duché du Dauphiné et la Provence ont peu de rapport avec Lyon. Sauf le Rhône, qui unifie en même temps qu’il sépare. Il a longtemps fait frontière : toute la partie est de Lyon n’était pas française. La cohérence a été travaillée, dès l’entre-deux-guerres, par une institution voulue par Edouard Herriot : la Compagnie nationale du Rhône (CNR). Aujourd’hui, une reconstruction, plus symbolique et sensible, est en train de se faire. Un des acteurs majeurs est la Maison du fleuve Rhône, à Givors. En vingt ans, elle a réussi à rendre possible une représentation de cet espace rhônalpin relativement artificiel autour d’un fait majeur : la présence du fleuve.

Il y a le fleuve, mais aussi les vallées, qui transforment cette région en terre d’immigration.

C’est évident. Dès l’Antiquité, les légions romaines puis les premiers chrétiens viennent du sud et d’orient. Lyon ville cosmopolite, c’est immédiat, initial. C’est dans ses gènes géographiques puisque la position de cette ville, c’est