Les «lendemains qui chantent» n’ont jamais été qu’une mythologie, plus employée, à vrai dire, par les ennemis de la pensée révolutionnaire ou communiste que par ses amis ou ses militants. Cette mythologie soutenait qu’on allait demander aux ouvriers et gens du peuple des sacrifices innombrables, au nom d’un futur nébuleux dont la réalisation serait constamment différée. C’était une des variantes de la propagande encore la plus active aujourd’hui : «Ce que vous avez n’est pas grand-chose, mais c’est réel, et ce que la politique d’émancipation vous promet est formidable, mais n’existe pas». Mais est-ce au nom d’une promesse fumeuse que des millions de gens se sont ralliés, et, n’en doutons pas, se rallieront, à des actions et des pensées politiques totalement étrangères au capitalo-parlementarisme qui prétend incarner la «réalité» ? Je n’en crois rien.
La temporalité de l’action inventive, de l’action qui vise non à gérer le monde tel qu’il est mais à y faire surgir des possibilités inconnues, est toujours, non pas du tout sous l’empire d’une représentation de l’avenir, mais sous celui de l’urgence du présent. Qu’on pense seulement à ce que signifie l’incertitude d’une insurrection, l’attente anxieuse du succès ou de l’échec d’une manifestation, voire le simple contentement de mener à la porte d’une usine une discussion significative avec un groupe d’ouvriers, ou la tension d’une veille nocturne pour empêcher si possible, au petit matin, une rafle de la police dans un foyer d’o