La vie sentimentale supposée d'un président fait la une des journaux, après le «faciès» d'un de ses ministres - ou plutôt, c'est la controverse sur leur exposition publique qui occupe politiques et médias. Pourquoi l'intimité, dans sa réalité corporelle, est-elle devenue en France un tel enjeu ?
Bien entendu, ces acteurs politiques eux-mêmes ne cessent de la mettre en scène. Il ne s’agit pas des seuls émois amoureux : colère ou compassion, les émotions présidentielles nous parlent bien le langage du corps. De fait, en politique, on ne se contente plus de «retrousser ses manches» : jamais on n’a autant parlé de «mouiller sa chemise». Nicolas Sarkozy en a donné l’exemple, plus que quiconque avant lui : l’homme politique s’engage physiquement, en exhibant sueur et muscles, mollets et bourrelets, migraines et malaise vagal. Le «régime sarkozien» trouve sa place, autant que dans les manuels de science politique, dans les magazines féminins. On comprend au passage pourquoi il reste malaisé, pour les femmes, d’exister en politique : pour accéder à l’universel masculin, on leur demandait, justement, de s’arracher à l’espace féminin du corps et des sentiments. Or la règle du jeu change. Paradoxe : pour se permettre de payer ainsi de sa personne, il vaut mieux, une fois de plus, être un homme.
Pourquoi tant de corps aujourd'hui ? C'est pour incarner la politique, accusée d'abstraction. On pourrait y voir un symptôme de la démocratie comme deuil interminable du «corps du roi» :