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Libération
Interview

«Le risque de virer au paternalisme»

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Ruwen Ogien, philosophe et directeur de recherche au CNRS, exprime des réticences :
publié le 14 mai 2010 à 0h00

Ruwen Ogien est philosophe, directeur de recherche au CNRS (1).

D’où naît le «care» ?

De la critique des deux théories qui dominent la pensée morale depuis le XIXe siècle. La première, celle de Kant, nous demande de respecter en toutes circonstances certains principes moraux très généraux (ne jamais traiter personne comme un simple «moyen», etc.). La seconde vient de John Stuart Mill et des penseurs dits utilitaristes, et nous demande de promouvoir le bonheur du plus grand nombre, même si c'est au détriment du bonheur personnel de quelques-uns. Pour de nombreux philosophes, le bilan de ces grandes théories serait «globalement négatif», pour plusieurs raisons : leur caractère abstrait, détaché des réalités psychologiques, sociales, historiques ; leur façon obsessionnelle de penser en termes d'obligations ou d'interdictions ; leur incapacité à faire une place aux projets personnels, au souci de soi et de ses proches ; leurs prétentions universelles et leurs exigences démesurées. Deux exemples illustrent ces critiques : du côté de la morale kantienne, l'exigence de ne jamais mentir, même pour échapper à des assassins sadiques - que seul un fanatique pourrait vouloir respecter - et, chez les utilitaristes, l'autorisation de sacrifier des personnes innocentes si cela peut contribuer au bien-être du plus grand nombre, dont personne ne peut sérieusement penser qu'elle est «morale». Ceux qui critiquent ces théories proposent une éthique alternative.

Qui s’appuierait sur quel principe ?

Des principes qu’on a pris l’habitude