Sandra Laugier est philosophe et Pascale Molinier, psychologue (1).
Cela vous étonne-t-il que le PS ait «emprunté» une notion comme celle de «care» ?
Sandra Laugier : Les réflexions sur le care sont florissantes depuis pas mal d'années en France et n'avaient pas rencontré d'écho au PS, pourtant fortement sollicité sur ce thème ! Mais ce n'est pas surprenant sur le fond, car l'importance de ces questions s'impose d'elle-même. Chacun y est confronté dans sa vie quotidienne. Qui ne se fait pas du souci car il ne sait comment, ni qui va s'occuper d'un parent, de son enfant ou d'un ami ? Le care, c'est-à-dire le souci des autres, est une interrogation ordinaire et centrale dans la vie.
Une interrogation morale ?
S.L. : Oui, mais pas théorique et générale comme c'est trop souvent le cas (qu'est-ce qui est bien ou mal ? quel est le bon choix ?). Elle questionne ce qui compte pour nous, nos priorités. L'éthique du care est un changement radical en morale, car elle introduit une attention à la vie ordinaire comme objet politique. C'est ce passage du privé au public, et surtout la légitimation de ce qui relève du domaine privé comme politique, qui constitue le cœur de l'éthique et de la pratique du care. Tant mieux si les partis politiques se rendent compte enfin que cela est prioritaire pour beaucoup : le souci, par exemple, de l'avenir des enfants et des petits-enfants ou d'un idéal de société où personne n'est transparent, invisible, compté pour rien.
Ce seul souci suffit ?
Pascale Molinier : Il faut qu'il entre en résonance avec tout un ensemble de transformation