Il est des moments où le réalisme est un crime. Dans la France du 18 juin, les réalistes sont légion. Il ne s'agit pas du peuple, abasourdi, hagard, écrasé par une défaite sans précédent, fuyant sur les routes de la panique et de l'épouvante, au milieu des bombardements, pressé par le bruit des très réelles exactions de l'armée allemande. On parle des sommets de la société, des puissants, des sachants et des possédants, qui font, en ces temps d'effondrement, profession de lucidité. Certes il est facile d'en juger de l'extérieur, dans la sécurité du commentateur. Pourtant l'histoire le prouvera : aujourd'hui, la prudence est désastreuse. Dans les salons, les cabinets, les conseils, on dit que la guerre est perdue, que l'Allemagne est irrésistible, que l'Europe vient de tomber comme un fruit blet dans sa besace gris vert. Comme la Pologne, la Belgique et la Hollande ont disparu, la France ne peut pas se relever avant un long purgatoire et l'Angleterre succombera. Le réalisme, donc, commande de s'adapter, de «voir les choses comme elles sont», d'épouser l'inévitable. Discours du jour, discours de tous les jours, qu'on entend aujourd'hui à propos de forces moins barbares qu'on dit aussi irrésistibles. Plier, disent-ils. Cette journée montre que la vérité est du côté du rêve, que la vraie lucidité exige l'opium des lendemains qui chantent. Le 18 juin, les fous, les francs-tireurs, les hétérodoxes, les excentriques, Churchill, De Gaulle, Eden, Moulin, Frenay, Mandel… ont
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