L’homme du jour ? Ce n’est pas De Gaulle. L’homme du 18 juin, c’est un politicien excentrique, fantasque et alcoolique, guetté tour à tour par la dépression et l’exaltation, journaliste tapageur, ministre malheureux, historien amateur, écrivain compulsif, rhéteur à l’éloquence ronflante, dont on disait un an plus tôt qu’il était fini. L’homme du jour, c’est le Britannique Winston Churchill.
Ce matin-là, il travaille au discours qu’il prononcera l’après-midi à la Chambre des communes. Il a séché le cabinet de guerre. Dans son bain - il s’y prélasse deux fois par jour -, sur son lit jonché des reliefs de son petit déjeuner, ou bien arpentant le salon désuet dans sa robe de chambre rouge à dragons noirs qui enveloppe un corps rond et nu, celui qui est Premier ministre depuis moins d’un mois, cigare aux lèvres, verre de whisky-soda à la main, dicte son texte en le déclamant. Quand il arrive aux passages les plus pathétiques, il pleure comme un enfant, remué au tréfonds par sa propre éloquence.
La veille, le 17, le gouvernement français dirigé depuis une journée par Philippe Pétain, populaire et cacochyme, a annoncé qu'il sollicitait d'Hitler un armistice. «C'est le cœur serré, a expliqué le Maréchal, que je vous dis qu'il faut cesser le combat.» Cesser le combat ! Churchill, le soldat, le chef de guerre, l'admirateur de la France, en est encore abasourdi. Quelques jours plus tôt, il est venu exhorter les responsables français à la lutte. Il a écouté le généraliss