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Interview

Catherine Deneuve «L’ivresse de n’être rien d’autre que soi»

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[Histoires de mémoire] . Les films… Catherine Deneuve les a presque oubliés. Restent les images intactes du vécu.
publié le 13 juillet 2010 à 0h00

«Ma mémoire d’enfance est visuelle. Ce ne sont jamais les anecdotes qui me reviennent mais des images où, par définition, je ne suis pas présente, puisque je suis celle qui regarde. Elles sont comme des photos animées et silencieuses. Souvent, on nous inocule nos propres souvenirs d’enfance en nous les racontant, et on ne sait plus trop distinguer ce qui est de l’ordre de la légende familiale de ce qu’on a pu vivre. On était quatre sœurs, j’ai du mal à me percevoir enfant autrement que comme un élément d’un tout. Mais personne ne peut m’avoir attribué ces visions prégnantes. Je peux décrire très précisément les couleurs et la matière d’une robe en laine brodée de ma petite sœur de 2 ans - j’en avais 4 -, alors que les photos qui la montrent vêtue ainsi sont en noir et blanc. Ou être bouleversée par un champ de jonquilles, sous une lumière d’été. On passait nos vacances sur les bords de la Marne. On campait. Dans ce coin, il n’y avait que des garages à bateaux. J’ai des souvenirs idylliques de cette période. Il y avait une sauvagerie, le pouvoir de s’échapper, une impression de liberté.

«Je ne prête pas de passé à mes personnages, je ne leur invente rien d’autre que ce qui est noté dans le scénario. Tant pis pour les ellipses, l’inconnu, que je ne cherche pas à remplir d’avance. En revanche, à la faveur d’une scène avec un partenaire, des fragments de mémoire qui ne m’appartiennent pas, peuvent surgir. Ce n’est pas une démarche volontaire. Fugitivement, le personnage prend une