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Interview

«Priver un individu de sa nationalité, ce serait porter atteinte à son intégrité»

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Pour le constitutionnaliste Guy Carcassonne, les propositions de Nicolas Sarkozy vont contre le droit :
publié le 2 août 2010 à 0h00

Juriste et spécialiste de la Constitution, Guy Carcassonne est professeur de droit public à l’université de Paris-X-Nanterre et enseigne à l’Institut d’études politiques de Paris.

Comment peut-on aujourd’hui être déchu de la nationalité française ?

C’est l’article 25 du code civil qui prévoit la déchéance pour ceux qui ont été condamnés pour des crimes ou délits terroristes ou qui portent atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, qui ont été commis par des fonctionnaires ou encore au profit d’un Etat étranger. S’y ajoutent trois conditions : d’une part, un avis conforme du Conseil d’Etat, qui n’est pas réputé pour le donner facilement; d’autre part, que l’intéressé ait ou puisse automatiquement récupérer une autre nationalité; enfin, que la nationalité ait été acquise depuis moins de dix ans, ce qui exclut déjà tous ceux devenus français dans leur petite enfance. Autant dire qu’une telle déchéance ne se produit pratiquement jamais.

Nicolas Sarkozy compte retirer la nationalité française aux «personnes d’origine étrangères ayant porté atteinte à la vie d’un policier, d’un gendarme ou d’une personne dépositaire de l’autorité publique». Est-ce compatible avec les droits français, européen et les traités internationaux ?

D'abord, ça supposerait toujours que les intéressés aient une autre nationalité, car le droit international nous interdit de fabriquer des apatrides. Ensuite, la Constitution nous dit que la République «assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d'origine…» et c'est son article 1er, excusez du peu ! Je ne vois pas comment on peut alors distinguer deux classes de citoyens selon qu'ils sont nés français ou le sont devenus. Certes, en 1996, le Conseil constitutionnel l'avait admis du bout des lèvres à propos du terrorisme, non sans rappeler qu'«au regard du droit