Au matin du 2 décembre 1887, plusieurs centaines de Parisiens se rassemblent place de la Concorde. Ils sont venus nombreux, socialistes et nationalistes mêlés, tous unis pour exiger la démission du président de la République, Jules Grévy. Au début de l'après-midi, un cri de joie s'élève de cette foule bigarrée : après une semaine de résistance, le chef de l'Etat s'est enfin décidé à se démettre de ses fonctions. C'est le dénouement d'un scandale sans précédent, qui bouleverse le pays depuis le mois d'octobre. «Ah, quel malheur d'avoir un gendre !» s'amusent les chansonniers.
C'est en effet son gendre et collaborateur, Daniel Wilson, qui a plongé Grévy dans le scandale. Député républicain influent, plusieurs fois sous-secrétaire d'Etat aux Finances, «Monsieur Gendre», comme on l'appelle, traîne depuis longtemps une réputation d'affairiste. Héritier richissime, propriétaire de plusieurs journaux et imprimeries, il a multiplié les coups de bourse plus ou moins controversés. Mais cette fois, il est allé trop loin, en organisant depuis l'Elysée ce que la presse décrit comme un véritable «ministère des recommandations et des démarches» : un réseau de trafic des décorations, en particulier pour l'obtention de la plus prisée d'entre elles : la légion d'honneur.
Y participaient le général Caffarel, sous-chef d’état-major de l’armée, et toute une équipe de secrétaires et d’intermédiaires, parmi lesquels une certaine Madame Limouzin, tenancière de maisons close