Menu
Libération
Interview

«Une utilisation provocatrice de l’histoire»

Article réservé aux abonnés
Pierre Schill, professeur d’histoire et essayiste, analyse la démarche de Georges Frêche :
publié le 17 septembre 2010 à 0h00

Pierre Schill est professeur d'histoire-géographie à Montpellier. Membre du CVUH (Comité de vigilance face aux usages publics de l'histoire), il est coauteur de Comment Nicolas Sarkozy écrit l'histoire de France (éditions Agone).

Avec ces statues, quel usage politique Georges Frêche fait-il de l’histoire ?

A l'instar de Nicolas Sarkozy pendant sa campagne électorale, il s'appuie sur une légitimation par le recours aux «grands hommes». Mais à la différence de Sarkozy, qui s'inscrivait dans la continuité du «roman national», avec des figures de l'histoire de France, Georges Frêche se place à l'échelle planétaire et se focalise sur le XXe siècle. Sarkozy écrivait une histoire mythifiée, qui allait parfois jusqu'à falsifier le réel, comme l'a illustré sa tentative de nier l'engagement communiste de Guy Môquet. Son histoire édifiante et aseptisée se voulait rassurante alors qu'il développait en parallèle sa problématique de la «rupture». Frêche privilégie un usage de l'histoire qui répond à une logique de conflictualité politique qui lui a réussi lors des dernières élections régionales : en choisissant Lénine, Staline et Mao, son «histoire-politique-spectacle» est volontairement provocatrice.

Frêche se justifie en disant qu’il s’agit de «grands hommes». Qu’en pensez-vous ?

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, le «grand homme» est celui qui a des mérites et talents, nous dit l'historienne Mona Ozouf, mais il n'est pas un héros, homme de l'exploit spécialisé, notamment guerrier. Son utilité publique mêlée à sa «vertu existentielle» fait sa grandeur. L'invocation de sa mémoire devient une «législation morale