Souvenons-nous de l'image fondatrice : au palais des sports de la porte de Versailles, ce 14 janvier 2007, où Nicolas Sarkozy lance sa campagne présidentielle. Il est seul sur la scène triangulaire, figure du chef conduisant son peuple vers l'idéal tant espéré, c'est-à-dire vers «la France d'Après», figurée au fond du décor par un ciel d'un bleu profond. Pour trancher le nœud gordien d'une société bloquée, il offre aux Français la foi d'un prophète et la volonté d'un guide, «la farouche détermination, l'énergie infinie» qu'il ira «puiser dans la part la plus profonde» de lui-même. Oubliée l'argumentation, congédié le programme ; c'est le sentiment qui emporte tout sur son passage au nom de l'irrationnel et de la prophétie. Face à la foule qui le réclame et l'acclame, le ministre du «coup d'éclat permanent» se mue en homme d'Etat, en rassembleur, héritier de toute l'histoire de France, de Jeanne d'Arc à Léon Blum. Pour la énième fois dans notre histoire, il entend incarner une vieille fascination française, celle de l'homme providentiel.
Avatar. «L'imagination populaire simplifie les conditions du monde réel ; elle suppose que, pour faire son bonheur, il suffit d'un homme de bonne volonté», écrivait Maurice Barrès, ancien compagnon de route du général Boulanger, avatar malheureux de cette passion providentialiste. Depuis Bonaparte, à chaque fois que la République a été confrontée à une situation de crise, aux guerres comme a