C'était inévitable : l'ampleur et la durée du mouvement de protestation contre la réforme des retraites ont éveillé chez certains l'espoir d'assister à l'apparition d'un nouveau Mai 68. Olivier Besancenot s'est risqué à pronostiquer une réplique du choc tellurique le plus marquant au sein de la société française depuis la Libération. Plusieurs sociologues ont gravement soupesé l'hypothèse d'un nouvel embrasement culturel et sociétal. A droite, quelques-uns se sont alarmés d'indices leur faisant craindre le retour du spectre du mois le plus fou de la Ve République. Bien entendu, tout cela n'était que chimère et fantasme. Certes, quelques apparences pouvaient donner le change : le nombre et la combativité des manifestants ; l'unité syndicale et la jonction partielle du mouvement social et des cortèges de lycéens et d'étudiants ; l'impopularité du projet gouvernemental et l'irritation, voire chez un tiers des Français, l'exaspération contre Nicolas Sarkozy ; l'incertitude qui a longtemps régné sur l'issue du conflit et la radicalisation des militants les plus actifs ; l'accompagnement du mouvement par une gauche camouflant de mieux en mieux ses divergences ; enfin, et surtout, un malaise social profond et persistant. Pour qui avait envie de rêver aux lendemains qui chantent, les symptômes d'une effervescence combative ne manquaient pas.
Octobre 2010 n’a pourtant rien à voir avec Mai 68. Il y a un demi-siècle, si la contestation radicale française était effectivement e