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Libération
TRIBUNE

«Je lutte des classes» ou la reconstitution du peuple

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publié le 19 novembre 2010 à 0h00

«Je lutte des classes» : ce slogan arboré massivement dans les manifestations pour défendre nos retraites est un bijou. Il dit le regain de combativité politique, la conscience retrouvée des antagonismes sociaux, la quête de dignité des catégories populaires. Il l’exprime avec la modernité de l’articulation entre le «je» et le «nous», quête conjointe de l’autonomie individuelle et de l’épanouissement collectif. A sa manière, ce message symbolise un processus de reconstitution d’une unité du «peuple». La force du mouvement ouvrier d’hier, c’était d’avoir unifié le groupe dispersé et éclaté des ouvriers autour d’une espérance, d’un projet de promotion collective et d’émancipation. Aujourd’hui, le peuple désuni doit une nouvelle fois se rassembler. Mais il n’est plus comme hier. Ses activités, ses espaces, ses formes de culture ne sont plus les mêmes.

Loin des théories d'hier sur le «groupe central» qui allait prendre la relève du «prolétariat», le développement des inégalités stimule de nouveau la polarisation sociale. La société contemporaine est caractérisée par le développement de la précarité. Comme l'indique le néologisme «précariat» issu de la sociologie, les notions de précarité et de prolétariat s'imbriquent. L'essor de la classe ouvrière aux XIXe et XXe siècles s'est confondu avec la montée du salariat. L'installation d'un chômage massif structurel et de la précarité comme forme normée du statut professionnel, avec l'explosion des CDD, de l'intéri