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Libération
Libé des philosophes

La mise en scène de l’intime

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En mélangeant vies publique et privée, le chef de l’Etat recherche la proximité.
par Michel Erman, Professeur à l'université de Bourgogne, écrivain.
publié le 2 décembre 2010 à 0h00

Le chef de l’Etat serait-il allergique au travail ? Après avoir cultivé, durant la campagne de 2007, l’illusion du travailler plus, il semble manifester, aujourd’hui, un goût prononcé pour le loisir nécessaire au bien-être.

Il vient en effet de déclarer devant une trentaine de députés UMP : «Quand on fait deux mandats, ça suffit largement […]. Après c'est plus tranquille. On fait la dolce vita» et de rappeler que son épouse est italienne. Il s'agit, bien sûr, d'une plaisanterie prononcée par l'homme privé et non par le président de la République. Mais Nicolas Sarkozy nous a habitués à une rhétorique mêlant les deux registres, le public et le privé. Lors de l'entretien télévisé du 16 novembre, ne déclarait-il pas qu'il était très soutenu par son entourage et aidé par une femme intelligente ? Chez lui, l'homme privé se fait le porte-parole de l'homme public avec des mots qui jouent de la confidence et cherchent la proximité. Son style, c'est celui de l'extime, manière très contemporaine de mettre l'intimité en scène et de cultiver «le tout-à-l'ego». Si, par là, le Président donne de lui une image qui correspond à l'individualisme contemporain, celle-ci est fort peu présidentielle.

On a souvent dit que le style de Sarkozy abaissait la dignité de sa fonction ; en l’espèce on peut se demander s’il ne cherche pas à euphémiser le pouvoir pour mieux reconquérir l’opinion ? Ou bien à reconstruire la vieille métaphore du chef politique en père de famille. Il faut se ra