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Libération
TRIBUNE

Machiavel, le prince et le pédophile

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par Myriam Revault d'Allonnes, Professeur des universités (EPHE)
publié le 2 décembre 2010 à 0h00

S'interrogeant sur les qualités du prince - celles qui sont requises pour conserver le pouvoir et entretenir un certain rapport avec le peuple - Machiavel les inscrivait dans un contexte qui est celui du «paraître». La réalité effective de l'action politique est inséparable de sa représentation car elle s'exerce dans un espace investi par l'apparence. Certes, on souhaiterait que le prince soit généreux plutôt qu'avare, miséricordieux plutôt que cruel, loyal plutôt que parjure, intègre plutôt que fourbe, etc. Mais la condition humaine est telle qu'on ne peut demander à un homme, quel qu'il soit, de posséder et d'exercer pleinement toutes ces qualités. A défaut, il faut qu'il paraisse les avoir et qu'il soit assez sage pour «fuir toutes les choses qui peuvent le rendre odieux ou méprisable». Ce n'est pas une leçon de morale commune mais ce n'est pas non plus une leçon d'hypocrisie. Machiavel nous rappelle, tout simplement, que ceux qui exercent le pouvoir ne le font qu'en étant vus, entendus et reconnus par d'autres. C'est pourquoi un «grand» prince - si difficile que ce soit à entendre - sait qu'il n'est pas maître de son image, qu'il n'existe lui-même que pour les autres et que ses qualités sont celles que l'opinion lui reconnaît.

Sarkozy avait, lors de sa dernière allocution télévisée, semblé retenir quelque chose de la leçon de Machiavel : mieux valait paraître pondéré qu’excessif, maître de soi que perdant ses nerfs, raisonnable qu’excité… A quel