Sans doute est-il content de lui... Jean-Marie Le Pen quitte la scène à l’heure qu’il a choisie, vieil activiste recru de haines et de combats, tribun de la plèbe à la vie de millionnaire, chef de parti qui a survécu à tous ses rivaux. Il laisse à sa fille une formation enracinée à l’extrême droite des peurs françaises, qui distille toujours son poison mis au goût du jour et réunit bon an mal an un électeur sur six. Celui qui était à la fin des années 70 un marginal au faciès de corsaire, survivant d’une droite révolue, antisémite à peine voilé, franc-tireur de la rancœur nationaliste, fantassin tonitruant mais battu de toutes les guerres, mondiales ou coloniales, est devenu au fil des ans un leader national qu’on finit par créditer d’une étrange sagesse parce qu’il a accepté les règles légales et électorales. Réussite indéniable dans le recyclage du vieux fond pétainiste qui gît dans l’inconscient français. Cette longévité démontre-t-elle l’inanité de l’anti-lepénisme ? Critique aisée quand il fallait bien instruire l’opinion des dangers de cette rhétorique issue des années noires. L’antiracisme fut parfois maladroit : fallait-il rester muet ? D’autant que le succès de Le Pen tient d’abord à l’impuissance des dirigeants à soigner les maux français et à donner au pays un avenir lisible dans le brouillard de la mondialisation. Les faits ont favorisé Le Pen bien plus que les mots. C’est en réformant le réel, et non par le discours, qu’on fera reculer le FN. La leçon valait po
EDITORIAL
Années noires
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par Laurent Joffrin
publié le 14 janvier 2011 à 0h00
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