Sylvain Crépon est sociologue, chercheur au laboratoire Sophiapol de l'université de Paris X-Nanterre. Il est l'auteur de la Nouvelle extrême droite. Enquête sur les jeunes militants du Front national, aux éditions de L'Harmattan (2006).
Le FN est-il durablement installé dans le paysage politique Français?
Il l’est en tout cas depuis un bon quart de siècle. Et si Marine Le Pen succède à son père, il peut l’être encore longtemps. Surtout si elle parvient à mener à bien l’entreprise de dédiabolisation qu’elle a entamée, et qu’elle arrive à en faire un parti qui ne soit plus catalogué d’extrême droite. Le FN deviendrait du coup acceptable par un plus grand nombre d’électeurs.
Le FN a toujours pris soin de refuser l’étiquette d’extrême droite, préférant l’appellation «droite nationale»…
Ce refus d’être classé à l’extrême droite dans le paysage est une constante. Et avec Marine Le Pen, qui joue le «ni droite, ni gauche», il est plus net encore.
N’est-ce pas un point de clivage essentiel avec Bruno Gollnisch?
Oui. Gollnisch incarne la vieille garde. Il veut rassembler les différents courants de l’extrême droite française : les nostalgiques du maréchal Pétain, les anciens de l’OAS et tous ceux qui s’étaient opposés à la décolonisation, les catholiques traditionalistes. En ce sens, il est l’héritier de Jean-Marie Le Pen. Avec Marine Le Pen, c’est une autre génération, celle des quadragénaires paradoxalement traumatisés par l’épisode de 2002. L’arrivée au second tour de Jean-Marie Le Pen leur a fait comprendre qu’ils n’avaient aucune chance d’arriver un jour au pouvoir. Or quand on s’engage en politique, on en attend un retour. Dès le début des années 2000, on rencontrait des militants qui se plaignaient des excès de la