Avant les élections cantonales, c’était une vraisemblance. Depuis dimanche, c’est devenu une évidence : Marine Le Pen est beaucoup plus dangereuse que son père. Le président fondateur du Front national n’avait pas réellement envie du pouvoir. Il voulait batailler, polémiquer, provoquer, exister. C’était l’extrême droite à l’ancienne, nostalgique de l’Empire, obsédée par Vichy, hantée par l’Algérie française, haïssant le gaullisme, dérapant sporadiquement vers l’antisémitisme. Il incarnait avec éloquence et brutalité une rhétorique du déclin français et de l’invasion méditerranéenne. Il ne voulait pas gagner l’élection présidentielle, il préférait s’imposer dans les débats à la télévision et à la radio avec un mélange de verve et de violence, de culture et de xénophobie. Il cherchait des victoires symboliques, des succès d’estrade. Il voulait être le Iago de l’opéra politique, triomphant dans le rôle du méchant puis se démaquillant pour aller souper.
Marine Le Pen, elle, veut le pouvoir et croit dur comme fer qu'elle en prend le chemin. Elle ne se bat pas pour figurer mais pour l'emporter. Elle regarde autour d'elle cette Europe qu'elle déteste et constate que dans dix pays différents des mouvements populistes xénophobes réussissent percée sur percée. Elle a conscience du fait que l'accumulation des crises - financières, monétaires, sociales, nucléaires, arabes - ne peut que la servir en alimentant un climat de peur, de colère et d'intolérance. Dans le Vieux Continent tout ent