«L’affaire DSK», affaire au sens sociologique du terme, est fondée sur un canevas qui constitue un cas d’école pour penser les usages de la notion de victime. On a en effet sous les yeux un clivage inversé de traits qui se correspondent termes à termes, dessinant ainsi une configuration idéale typique pour les tenants de l’intersectionnalité en études de genre. Les deux séries se déclinent en un face-à-face quasi parfait : d’un côté, une femme jeune, mère célibataire, noire, émigrée, de classe sociale modeste, exerçant un métier déclassé, bref une femme «sans qualités», et, de l’autre, un homme plus âgé, marié et père, blanc, figure mondialisée, de classe sociale aisée, exerçant une profession prestigieuse, bref, un homme doté de pouvoirs multiples. Cette concordance inversée situe les deux protagonistes dans des sphères sociales où, en toute logique, ils n’auraient jamais dû se rencontrer. Ils se croisent uniquement parce que l’une est au service de l’autre par chambre d’hôtel interposée, espace-temps théâtralement dramatique.
Se croiser dans cette chambre implique en effet des corps sexués en présence, et au moins un regard, ne fusse qu’un court instant, pour reconnaître la raison de ce côtoiement : l’une fait le ménage, l’autre est un client. Cette coprésence dans une chambre d’hôtel, lieu ni public ni privé, est potentiellement susceptible de créer les conditions adéquates d’une opportunité pour métamorphoser une femme de chambre en femme sexuellement appropriable, et un