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Interview

«Sans les classes populaires, la gauche ne sert plus à rien, elle n’est plus rien»

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Par Aquilino Morelle, Professeur associé à Paris-I
publié le 30 mai 2011 à 0h00

Il y a quinze jours, le think tank Terra Nova suggérait au Parti socialiste de ne plus chercher les suffrages de la classe ouvrière et de viser plutôt «les diplômés, les jeunes, les minorités, les femmes». Conseiller politique de Lionel Jospin à Matignon de 1997 à 2002, Aquilino Morelle lui répond.

Le PS doit-il renoncer à reconquérir les classes populaires ?

Certainement pas. Ce serait une faute politique et morale. Une faute politique, car les classes populaires - les ouvriers et les employés - ne sont pas une sorte de noyau en voie de contraction, comme on veut parfois les présenter. Ce discours sur la «fin de la classe ouvrière» nous a été asséné pendant vingt-cinq ans par certains sociologues et a été repris récemment par le cercle de réflexion sociolibéral Terra Nova. Le seul problème de cette thèse, c’est qu’elle est inexacte. Si les classes populaires se sont évidemment transformées, elles existent toujours et le prouvent régulièrement par leur vote, comme ce fut le cas lors du référendum sur le Traité constitutionnel européen. Notre échec collectif à convaincre cet électorat a signé nos défaites de 1995, 2002 et 2007. En cette année de commémoration du 10 mai 1981, l’exemple de François Mitterrand devrait nous inspirer. La reconquête des milieux populaires est difficile, mais indispensable : il le savait, lui. Et il a réussi, en 1981 et en 1988, à rassembler une majorité des voix ouvrières sur son nom : c’est cet élan qui lui a donné la victoire. Voilà la leçon à méditer.

Et sur le plan moral ?

La politique, en tout cas à gauche, ne peut pas