Auteur de Storytelling (1), le livre qui fit découvrir en France ces techniques de communication et de management, Christian Salmon revient sur l'affaire DSK.
Coup de théâtre, rebondissement : cette affaire se résumerait-elle à un feuilleton ?
C’est en tout cas dans ces termes qu’elle se donne à lire depuis le coup de tonnerre initial. Le temps réel médiatique s’est imposé au temps long judiciaire. La logique de l’instruction a cédé le pas à une logique purement narrative avec des effets d’emballement, d’hystérisation qui ont gagné les éditorialistes les plus placides… Le lexique même de cette affaire relève plus du pathos que de l’ethos ou du logos - avec des effets performatifs redoutables sur l’exercice de la justice et de la démocratie.
Ferions-nous trop confiance aux histoires pour connaître et comprendre ?
Les histoires jetées comme un filet sur la vie quotidienne sont censées nous aider à vivre. Elles prétendent nous séduire ou nous convaincre, nous motiver, nous apprendre à nous comporter dans des situations de crise ou lorsque, écrasés sous un flot d’informations, nous perdons le sens de ce que nous faisons. On découvre aujourd’hui qu’elles peuvent vous conduire en prison. Chose remarquable : au moment où toutes les formes du discours rationnel sont frappées de soupçon, seul le récit semble en mesure de les remplacer. On l’investit du prestige ancien des sagas et des épopées, des vertus de l’authenticité, des fonctions magiques du rituel. Pourquoi s’en plaindre nous dit-on ? Quoi de plus innocent qu’un récit ?
Somme-nous tous, journalistes mais aussi lecteurs, un peu trop vite devenus coscénaristes ?
Il y a une fonction «hypnotique» de la forme narrative. Le pouvoir d'une histoire ne réside pas seulement