Pierre Rosanvallon, l'un des spécialistes de philosophie politique les plus marquants et l'un des sociologues français les plus fertiles publie sous un titre délicieusement babouviste, la Société des égaux (Seuil), un essai retentissant. Il ne s'agit pas moins que de relancer le débat sur la question de l'égalité dans notre société du XXIe siècle. Le moment apparaît doublement bien choisi, à quelques mois de l'élection présidentielle et alors même que les inégalités se creusent spectaculairement depuis le déclenchement de la crise financière et monétaire. Ce qui vaut pour les revenus apparaît d'ailleurs encore plus saisissant s'agissant des patrimoines. La question soulevée n'a donc rien de rhétorique et les réponses esquissées par Pierre Rosanvallon (la singularité, la réciprocité, la communalité) ont le méritent de rafraîchir l'idée d'égalité, de tenter de l'enraciner par de nouvelles voies dans la société civile contemporaine. On peut néanmoins se demander si le concept de solidarité n'est pas plus réaliste et plus opérationnel que celui d'égalité.
L’égalité est certes une utopie respectable - les références historiques et académiques de Pierre Rosanvallon l’inscrivent dans cette honorable tradition - mais cela reste une utopie, parfois effrayante, comme toutes les utopies totalisantes et qui n’est pas de surcroît la plus mobilisatrice. Elle n’a naturellement jamais existé dans aucune société, c’est le propre des utopies, et celles qui prétendaient s’en