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Libération
TRIBUNE

Le Président injusticiable

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par Bastien François, Professeur à l’université Paris-I.
publié le 13 septembre 2011 à 0h00

Cher Guy Carcassonne, quelle mouche vous a piqué pour répondre ainsi à la proposition d'Eva Joly de supprimer l'immunité présidentielle (Libération du 6 septembre) ? Que l'éminent constitutionnaliste s'oppose à ce qu'on modifie le statut judiciaire du président de la République est son droit. C'est même compréhensible quand on sait que vous avez été l'un des inspirateurs de la réforme de 2007 instaurant, pour la première fois en France, une immunité judiciaire absolue pour le Président durant son mandat (art. 67 de la Constitution). Mais la mauvaise foi de votre propos est pour le moins surprenante.

Il est approximatif de se contenter de dire que le président de la République ne peut être poursuivi pendant la durée de son mandat. C'est en réalité une barrière totalement étanche qui est établie entre lui et l'autorité judiciaire. Il ne s'agit pas seulement de poursuites ; le Président ne peut même pas être requis de témoigner devant une juridiction ! Cela vaut pour la plus banale des affaires de droit civil (comme un défaut de paiement de loyer) jusqu'au crime de sang en passant par les délits mineurs (un excès de vitesse par exemple). Il est faux de dire que la réforme de 2007 «n'a fait qu'entériner la jurisprudence du Conseil constitutionnel». C'est même l'inverse. En 1999, le Conseil avait estimé que le Président bénéficiait d'un «privilège de juridiction» : pour les infractions commises en dehors de ses fonctions ou antérieurement à cell