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Libération
Enquête

Au Sénat une révolution de velours

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Sous la présidence de Gérard Larcher, la Chambre haute tente de se réformer. Mais le conservatisme règne.
publié le 24 septembre 2011 à 0h00

Une ombre pâle, dans un costume sombre. Le fantôme du Sénat ? Ce n'est que Michel Charasse, qui fut sénateur entre 1981 et 2010, filiforme depuis qu'il suit le régime Dukan. Le vieux compagnon de Mitterrand (il tenait la laisse de Baltique, le labrador du Président, devant l'église de Jarnac), nommé par Nicolas Sarkozy au Conseil constitutionnel, revient dans son ancien palais «prendre un billet de train». Une première classe gratuite pour les «sénateurs honoraires», faveur du bureau des transports. «Faveur» ? Le mot est une offense. A 70 ans, l'ancien sénateur mord encore : «Maintenant qu'on paye des impôts sur tout, plus la double résidence, on ne gagne plus un rond. Ma retraite ne suffit pas !» (1). Il glisse le billet dans sa poche portefeuille, salue les huissiers et dévale les marches. Avec l'aisance de l'habitude.

Quand l'un des leurs est épinglé de la sorte, sur le tapis rouge du «grand escalier d'honneur», les sénateurs hurlent à la «caricature», à «l'antiparlementarisme primaire», ou encore au «Sénat bashing» («matraquage du Sénat»), pour reprendre une expression cotée au palais du Luxembourg. Il suffit pourtant de passer la porte et d'observer. La Chambre haute est hautement caricaturale. Un monde hors du temps, codifié, opulent, pompeux, gonflé de stucs et de tentures chamarrées. Tout y est démesuré, de l'excessive politesse des huissiers à l'épaisseur des tapis et la hauteur des plafonds. Dans ce décor qui date du temp