Professeure de droit public à l’université de Reims et spécialiste du Parlement, Julie Benetti analyse le scrutin d’hier.
La gauche majoritaire au Sénat, c’est un événement historique ?
A l’évidence, comparable à certains égards à l’alternance présidentielle de 1981. Si la gauche a patienté vingt-trois ans pour remporter l’élection présidentielle, elle aura attendu un demi-siècle pour remporter des élections sénatoriales. La première conséquence du scrutin d’hier, c’est que la gauche peut faire du Sénat une chambre d’opposition jusqu’aux prochaines élections.
Pour la première fois se profile la possibilité d’une alternance totale au cas où la gauche remporterait en 2012 la présidentielle et les législatives. Quelles en seraient les conséquences ?
La gauche pourrait mettre en œuvre plus rapidement et facilement ses projets législatifs. On rappelle souvent qu’en France l’Assemblée nationale détient le dernier mot et que, en cas de conflit avec le Sénat, le gouvernement peut lui donner le dernier mot. Mais cette procédure du dernier mot ne peut pas être utilisée de façon trop systématique. Elle fut d’ailleurs assez peu mise en œuvre, même quand la gauche était majoritaire à l’Assemblée. Ce n’est pas un procédé normal de gouvernement. Le fait que le gouvernement puisse compter sur une majorité dans les deux assemblées facilite aussi la révision de la Constitution - en matière de révision, le veto du Sénat ne peut jamais être surmonté. Cela mettrait donc comme jamais auparavant la gauche en mesure de réviser la Constitution et aussi de prendre les lois organiques nécessaires à la mise en œuvre des nouvelles dispositions constitutionnelles, y compris celles relatives au Sénat.
La gauche ayant remporté le Sénat, elle pourrait être tentée de ne pas le réformer, comme ce fut le cas pour l’élection présidentielle…
Si la gauche est cohérente avec les options qu’elle a déf