Dites 732, la réponse fuse, apprise par cœur sur les bancs de l’école : «Charles Martel arrête les Arabes à Poitiers.» Le massacre de la Saint-Barthélemy ? On hésite sur la date, mais on sait que Charles IX en fut le commanditaire. Tentez, maintenant, le 17 octobre 1961 et attendez les réactions : regards interrogateurs, que s’est-il bien passé ce jour-là ? Beaucoup de gens ignorent encore qu’une terrible ratonnade a été commise par la police parisienne. Car l’histoire est ainsi faite : plus un événement est éloigné, mieux on le connaît. Les faits récents, eux, restent obscurs, entretenus dans le flou, quand ils ne sont pas mis sous le boisseau, interdits de mémoire.
La guerre d'Algérie, qui va célébrer l'année prochaine les 50 ans de son dénouement, reste une page de l'histoire française fermée à l'analyse, même si historiens et journalistes lui arrachent peu à peu ses secrets, inévitablement sordides. Mais qui donc entretient le mystère sur le massacre du 17 octobre 1961 à Paris ? Les Français, pour des raisons évidentes : ils sont du mauvais côté de l'histoire. Mais aussi la communauté algérienne en France. Peut-être parce qu'elle ne sait que dire à ses enfants, en droit de se demander pourquoi leurs parents n'ont pas quitté ce pays de tortionnaires. Albert Camus, qui se sentait français et algérien, avait une belle réponse : «Ma patrie, c'est la langue française.» Et cette réplique, extraite des Justes : «C'est facile, c'est tellement plus facile d