Pour dire l’épais brouillard des périodes d’incertitude, Alexis de Tocqueville affirme que «les opinions humaines ne forment plus alors qu’une sorte de poussière intellectuelle qui s’agite de tous côtés, sans pouvoir se rassembler et se fixer». Nous y sommes.
Dans cette France cassée que les reporters de Libération racontent aujourd'hui, rien n'a encore cristallisé. Il y a de l'angoisse, de la gravité, de la défiance. «On devient tous individualistes, pour se protéger», dit l'un. «C'est comme si je ressentais une coupure avec mon avenir», lance un autre. La crise n'est plus un drame politique ou une affaire technocratique jouée à Francfort, Bruxelles ou Cannes, mais une réalité brute, palpable, sensible. L'avalanche des plans sociaux, la saignée des emplois industriels, le nivellement par le bas et l'exacerbation des inégalités minent et fracturent tout à la fois la société. Un Français sur deux se dit «abandonné par la démocratie», en cette fin de mandat sarkozyste.
C’est ce vent mauvais qui va souffler sur la prochaine élection présidentielle. Le débat ne doit donc pas se borner à une querelle stérile sur l’épaisseur de marges de manœuvres financières - forcément limitées - mais porter au contraire sur l’urgence et les conditions de «refaire société», tel que l’affirme le prochain colloque organisé par Pierre Rosanvallon ce week-end à Grenoble. Les candidats auront la responsabilité de pas flatter la peur du déclin, mais d’éclairer le chemin d’un peuple qui entend r