Les démocraties européennes doivent impérativement devenir plus démocratiques aussi bien sur le plan des libertés civiles individuelles que sur celui de l’égalité sociale, si elles ne veulent pas risquer un processus de poutinisation. C’est-à-dire la fin de toute forme de souveraineté du citoyen, pour déléguée et indirecte qu’elle soit.
Poutinisation signifie affaiblissement du contrôle réciproque et de l'équilibre conflictuel entre les différentes sphères du pouvoir (institutionnelles et sociales), qui constituent le fondement des miettes de souveraineté et d'autonomie (auto nomos : se donner soi-même la loi) de tout un chacun. On voit ainsi disparaître l'information exacte et l'opinion libre, l'indépendance de la magistrature, la capacité de résistance des organisations syndicales. On voit disparaître les partis en tant qu'outils de représentation des citoyens (là où le sujet devrait être «les citoyens»).
Désormais, les partis sont devenus des machines autoréférentielles, des instruments servant la carrière de ceux qui font de la politique un métier à vie, qui excluent ceux qui entendent la faire «à temps partiel», par passion civique. De cette manière, la politique (la souveraineté) devient une affaire privée privatisée : soustraite aux citoyens, monopolisée par des politiciens de métier.
Ce qui disparaît aussi, en même temps que tout cela, c'est l'individu («solitaire, solidaire», disait Camus), car il ne reste que la solitude, l'isolement, l'impuissance,