Professeur à l'université Paris-I, l'économiste Bruno Amable est chroniqueur à Libération et notamment l'auteur du livre les Cinq Capitalismes (Seuil, 2005).
En faisant tomber les gouvernements grecs et italiens, les marchés ont-ils réussi là où les peuples ont échoué ?
C’est en se soumettant à des contraintes structurelles néolibérales que les démocraties ont peu à peu perdu tout contrôle sur leurs politiques publiques. Au bout d’un moment, cela se traduit brutalement par une perte de légitimité, non pas populaire, mais vis-à-vis des puissances économiques et financières. Il n’y a pas un général des marchés qui donne l’ordre d’attaquer la Grèce ou l’Italie, mais le résultat est là : une démocratie mal en point.
Cela signe-t-il une victoire des marchés sur les souhaits des peuples ?
Laisser la gestion de la dette publique aux marchés, c’est le résultat des décisions prises pour libéraliser la finance dans les années 80-90. Et les gens qui ont voté pour le traité de Maastricht n’avaient pas en tête toutes les conséquences que ça allait avoir. A l’arrivée, on est pris dans un faisceau de contraintes qui empêchent la définition de politiques alternatives. Il y a deux solutions : soit on change radicalement le système, soit on s’adapte du mieux qu’on peut aux contraintes.
Certaines formes de capitalisme sont-elles plus compatibles que d’autres avec la démocratie ?
Le néolibéralisme est par nature hostile à la démocratie. C’est un régime fondé sur la volonté d’isoler le fonctionnement des économies d’éventuelles contestations populaires. Il y a dans la pensée néolibérale l’obsession de constitutionnaliser tout un tas de choses, comme l’interdiction de faire du déficit. Tout ça au cas où une majorité voudrait affaiblir les lois de la concu