Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, le Sénat français cultive depuis plusieurs décennies une tradition bien singulière et contraire aux termes de la Constitution : le vote de groupe.
Lorsqu’un scrutin public a lieu dans l’hémicycle, on assiste à un petit manège aux accents théâtraux : tour à tour, un représentant de chaque groupe sénatorial dépose dans une urne les votes de l’ensemble des membres de son groupe. Une telle scène serait inimaginable à l’Assemblée nationale, où l’on vote chacun à sa place à l’aide de boutons sur les pupitres : imaginons donc un député courir dans les rangs pour appuyer sur les boutons de chacun de ses collègues absents… Au Sénat, alors que nombre de votes se déroulent en petits comités, les résultats affichent presque toujours chambre comble et l’ensemble des sénateurs est considéré comme votant ; y compris des parlementaires n’ayant parfois pas la moindre idée de la teneur du vote en question.
L'article 27 de la Constitution est pourtant clair : «Le droit de vote des membres du Parlement est personnel. La loi organique peut autoriser exceptionnellement la délégation de vote. Dans ce cas nul ne peut recevoir délégation de plus d'un mandat.» Un parlementaire peut donc porter au plus deux voix lors d'un vote, le sien et celui d'un collègue. Le nombre total de votants ne devrait jamais dépasser le double des parlementaires effectivement présents dans l'hémicycle. En opposition flagrante avec la Constitution, la coutume du vote de