Quand il a proposé à son éditeur Grasset d'écrire le roman de la campagne de François Hollande, comme Yasmina Reza avait rédigé celui de Nicolas Sarkozy en 2007 dans l'Aube, le soir ou la nuit, des sourcils se sont froncés: ah ouais, Hollande ? Ça ne risque pas d'être un peu platouille avec ce type-là ? Parce que Sarko en labourage électoral, c'est un bulldozer d'ambition lâché à travers le pays, un festival de petites phrases ourlées d'«enculés» et de «connards», un numéro de cirque permanent. Mais Hollande ?
Peut-être s'est-on aussi demandé chez Grasset si Laurent Binet était l'homme de la situation. A son actif d'écrivain, ce garçon de 39 ans n'a qu'un seul roman, HHhH, paru l'an dernier. Le livre mêle, avec un brin d'opportunisme, le récit de l'attentat praguois qui, en 1942, a débarrassé cette terre de Reinhard Heydrich, l'inventeur de la «solution finale», et celui du roman en train de se faire, où Binet est Binet. Mais HHhH s'est taillé un si joli succès - enfin un jeune auteur que la chose historique ne rebute pas ! - que tout le monde s'est rué sur lui, y compris Valérie Trierweiler, la compagne de François Hollande, qui est allée l'interviewer pour Match. C'est par l'intermédiaire de celle-ci que l'écrivain a proposé au possible futur candidat PS de le suivre pas à pas durant la campagne.
Yasmina Reza s'était lancée dans l'aventure pour «contempler un homme qui veut concurrencer la fuite du temps». Lauren