A la peine dans les sondages, l'écologiste Eva Joly explique à Libération les raisons pour lesquelles elle sera candidate jusqu'au bout à la présidentielle.
Ce soir, vous participez à la Nuit de l’égalité. Quelles propositions allez-vous y formuler ?
Je veux créer un sursaut. La question de l’égalité et de la justice doit être au cœur de la campagne. Le moment est venu d’arrêter de nous voiler la face. Un seul exemple : il y a dans ce pays des jeunes qui subissent des discriminations très violentes. Pour y répondre, il faut pouvoir adapter les politiques publiques. Nous avons vraiment besoin de créer des statistiques des discriminations, via l’Insee sur la base de déclarations volontaires et anonymisées. Dans mon autre patrie [la Norvège, ndlr], ça marche.
Vous insisterez aussi sur l’éducation…
II faut arrêter cette maladie française qui fait de l’école une machine à trier qui distille l’élite et dont le produit suprême serait le petit nombre qui intègre les grandes écoles. Nous devons inventer l’école fondamentale qui fait travailler ensemble tous les enfants d’une génération, ce qui signifie repenser l’articulation du collège et de l’école primaire. Je propose de recréer 20 000 postes d’enseignants et 5 000 de plus dans les maternelles, d’abord dans les quartiers défavorisés.
Est-ce plus réaliste que les 60 000 postes promis par François Hollande ?
Tant mieux s’il arrive à en financer 60 000. Mais je pense que la crédibilité de l’ensemble des propositions écologistes réside dans le fait que je les finance. Je suis la seule à faire des propositions précises, chiffrées et alternatives dans ce paysage politique très atone, où la campagne se résume à dire : je ferai ce qu’il faudra faire.
La lettre de Hollande publiée par Libérationvous a-t-elle convaincue ?
Dès la quatrième ligne il est écrit : «Seule la croissance permet de sortir de la crise.» Nous ne pensons donc pas pareil sur ce point. Cela me conforte dans l’idée que ma candidature est nécessaire et utile pour porter les propositions écologistes.
Pourquoi alors avoir qualifié le candidat socialiste de «champion» de la gauche ?
Parce que notre objectif numéro 1, c’est le changement de pouvoir. Après le premier tour, il faudra la réunion des forces de gauche. Le candidat le mieux placé devra bénéficier d’un appel des autres à voter pour lui. Et aujourd’hui, c’est clairement François Hollande. Ça lui donne une responsabilité particulière, celle d’écouter le reste de la gauche.
En quoi votre candidature est-elle utile ?
Elle n’est pas seulement utile, elle est indispensable. C’est un fait : la prise en compte du programme écologiste, de la sortie du nucléaire à la reconversion écologique de l’appareil productif, va dépendre de mon score au premier tour. Aujourd’hui, nous ne pouvons résoudre les crises que si nous modifions nos comportements et que nous changeons radicalement le système. Je sais bien qu’il faut beaucoup de pédagogie pour faire désirer cet avenir-là, car les êtres humains en temps de crise se raccrochent à ce qu’ils connaissent, car le présent s’effrite sans que le futur ne se dessine.
Mais c’est Marine Le Pen qui semble capitaliser sur cette angoisse…
J’accuse Marine Le Pen de savoir pertinemment que la mise en œuvre de son programme n’est pas possible. Ce qu’elle propose a