Chercheur à l'EHESS, Christian Salmon est l'auteur, en 2007, du très remarqué Storytelling, ou l'art de scénariser la politique.
Les propos de Nicolas Sarkozy en Guyane sont-ils le énième épisode du storytelling sarkozyste ?
C’est un moment très important de la campagne, une première faille dans le dispositif sarkozyste. Jusque-là, il voulait apparaître comme un candidat expert, très professionnel, expérimenté. Brusquement, il change de main et envisage sa défaite. C’est une rupture. Sarkozy a toujours fait preuve d’une grande capacité d’écoute. Et ce qu’il entend désormais, c’est que le pays est fatigué du storytelling sarkozyste, qu’un nouvel épisode comme la TVA sociale ne servira à rien.
Cette rupture intervient au moment du grand discours de François Hollande…
Ce discours est venu souligner que l'élection présidentielle prend la forme d'un référendum contre la personne de Sarkozy. Ce n'est pas le discours de gauche de Hollande qui inquiète Sarkozy, mais ce que le candidat socialiste incarne : une présidence calme. Après la sarkocaïne, le traitement au lithium de la France. Sarkozy semble avoir compris combien son obsession pour le pouvoir dérange, il tente de la désamorcer («je ne suis pas un dictateur»), de désarmer l'antisarkozysme qui est le véritable moteur de la campagne.
Les propos de Sarkozy relèvent donc de la stratégie et non de la confession de ses états d’âmes…
Il y a comme toujours une part de stratégie et une part de maladresse. Stratégie, quand il dit qu'il n'est pas attaché au pouvoir et qu'il tente de recréer du désir. Maladresse, quand il ne peut s'empêcher de parler une nouvelle fois d'argent ou qu'il provoque en disant qu'il commencera ses semaines le mardi… La stratégie centrale est résumée par son