Ce fut le décollage réussi de sa campagne. Avec toutes les réserves d’usage, ce succès aura été reconnu à François Hollande mais son discours du Bourget a également eu le mérite, bien plus fondamental encore, d’esquisser un tournant de la gauche européenne.
Cette gauche, il y a vingt ans qu’on la disait en crise et c’était vrai. Depuis le premier choc pétrolier, la mondialisation de l’économie et le triomphe international du credo libéral, la gauche européenne traversait une crise d’identité qui avait paru mortelle à beaucoup. Idéologiquement dominante durant les trente années d’après-guerre, elle semblait déroutée par le cours de l’histoire car rien de ce qui avait fait sa puissance n’était plus.
Il n’y avait plus de menace communiste pour inciter le Capital à passer avec elle les compromis sociaux qui en avaient fait l’incontournable avocate du Travail. Les délocalisations, la désindustrialisation de l’Europe, l’éclatement délibéré des chaînes de production et le recul, dans tout l’Occident, du secteur secondaire au profit du secteur tertiaire l’avaient privée de sa base et de ses forteresses ouvrières. Fruit de l’achèvement de la période de reconstruction, du développement du libre-échange et de l’apparition de nouvelles concurrences étrangères, la montée du chômage pesait inexorablement sur la combativité sociale, les salaires et les niveaux de vie.
Plus grave encore, les classes moyennes s’éloignaient de la gauche qui avait pourtant assuré leur essor car, dès la fin des an