Nonna Mayer est politologue, spécialiste de la sociologie électorale au Centre d’études européennes de Sciences-Po.
Qui sont les classes populaires ?
On pense d'abord aux ouvriers, le groupe le plus emblématique, le plus exposé à la précarité, au chômage, où les niveaux de revenus et de diplômes sont les plus bas. Et, si les ouvriers ne sont plus qu'un petit quart des actifs, il ne faut pas oublier que plus de 55% de la population électorale française a encore au moins une «attache» avec ce milieu, si l'on tient compte des conjoints et des enfants d'ouvriers, plus encore chez les employés. Mais, dans la société «postindustrielle», la ligne de clivage passe au-delà des ouvriers, entre les travailleurs non qualifiés - employés ou ouvriers -, environ 5 millions d'actifs, et les autres. Le chômage dépasse 20% chez les ouvriers non qualifiés, majoritairement des hommes, et la précarité est très forte chez les employés non qualifiés, essentiellement des femmes (caissières, femmes de ménage, aides familiales).
Les candidats à la présidentielle parlent-ils à la classe ouvrière ?
Ils s’adressent d’abord aux ouvriers tels qu’ils sont figés dans l’imaginaire collectif. C’est-à-dire des travailleurs manuels vêtus d’un bleu dans une grande entreprise industrielle. Ce profil est pourtant minoritaire, 40% des ouvriers travaillent dans le secteur des services comme manutentionnaires, magasiniers ou chauffeurs, dans des conditions d’isolement qui n’ont plus rien à voir avec celles qui, hier, créaient un sentiment d’appartenance collective, une «conscience de classe». Pour parler aux ou