Yves Sintomer, professeur de sciences politiques à l'université Paris-VIII, a été le directeur adjoint du centre Marc-Bloch à Berlin. Il est notamment l'auteur, aux éditions de la Découverte, du Pouvoir au Peuple.
Comment interprétez-vous les déclarations de Nicolas Sarkozy à Marseille ? Assiste-t-on à une dérive populiste ?
Je suis très réticent à utiliser le terme de populisme parce qu’il est un peu employé à tort et à travers. C’est devenu une étiquette commode qui sous-entend que lorsque le peuple ou les classes populaires se mobilisent ou sont intéressées, ce ne pourrait être que par des arguments démagogiques, ce que je ne crois pas. On range trop de problèmes très différents dans cette notion. Ce n’est pas parce qu’on s’adresse aux classes populaires pour rompre un consensus dominant dans les élites que l’on fait du populisme au sens négatif du terme.
Quel terme emploieriez-vous ?
C'est un candidat qui, pendant toute sa mandature, a pratiqué une politique qui profitait surtout aux couches favorisées de la société, dont il est extrêmement proche par toute une série de liens et qui tout d'un coup annonce «je suis avec le peuple contre les élites». Je pense qu'il y a un terme plus simple que populisme : démagogie.
Même quand il veut s’adresser directement au peuple en utilisant le référendum ou en contournant les corps intermédiaires ?
Il emprunte une posture qui est assez classique dans l'histoire politique française, qui est la posture plébiscitaire. Cela vise à faire plébisciter justement un dirigeant suprême par l'expression directe du suffrage universel, comme Napoléon III quand il supprime la IIe République. Et, d'une certaine manière, la Ve République est issue d'un processus plébiscitaire