La France adore la nouveauté mais a peur du changement. Derrière le masque des modes toujours jaillissantes surgissent les vieux clivages et les familles politiques ancestrales. La campagne présidentielle actuelle en offre une illustration de plus.
Malgré la percée initiale de Marine Le Pen, aujourd’hui apparemment contenue, malgré l’affirmation de Jean-Luc Mélenchon et la persistance de François Bayrou (d’ailleurs trois rameaux de vieilles tiges), la bataille principale oppose de plus en plus François Hollande à Nicolas Sarkozy, c’est-à-dire la quintessence du radicalisme à l’éternelle résurgence du bonapartisme, deux spécificités typiquement françaises, la première vieille de plus d’un siècle et la seconde de plus de deux cents ans. Le favori et le challenger de 2012 incarnent ainsi des figures récurrentes et le font même avec une authenticité théâtrale.
Nicolas Sarkozy est entré en campagne, la semaine dernière, botté de noir, vêtu d’une redingote grise et coiffé d’un bicorne célèbre. Son discours de Marseille fut un hymne bonapartiste. Tout y était : le patriotisme exacerbé, scandé de paragraphe en paragraphe, soulevant l’enthousiasme de la foule, nourri de références littéraires implicites venues de Jules Michelet, de Maurice Barrès, de Charles Péguy et de Paul Claudel. On y a vu la culture gaulliste mais elle n’est que la forme contemporaine du bonapartisme. D’ailleurs, l’invocation constante, une heure durant, de l’homme providentiel luttant de toutes ses forces contre