Thomas Piketty est professeur à l'Ecole d'économie de Paris. Il a, en janvier, copublié Pour une révolution fiscale (Seuil) et anime le site internet Revolution-fiscale.fr, qui fustige les inégalités du système fiscal français. Il milite pour une refonte radicale de l'impôt sur le revenu (IR).
Taxer à 75% les revenus supérieurs à 1 million d’euros par an redonne-t-il du souffle à un projet socialiste frileux sur la fiscalité ou est-ce un symbole qui tient de la com ?
Cette mesure montre qu’on sort des discours sur la moralisation des rémunérations indécentes des patrons du CAC 40, façon Sarkozy, et qu’on passe un peu à l’action. Seule l’arme fiscale peut calmer le jeu et dire qu’on peut être un chef d’entreprise compétent et gagner moins d’un million d’euros par an. C’est une étape importante qui permet de sortir de l’idéologie du toujours plus.
Pensez-vous que François Hollande et le PS font preuve de créativité fiscale ?
Cela reste insuffisant et imprécis. On campe toujours sur une approche paramétrique sans changer les structures de l’impôt sur le revenu. Augmenter les taux sur un système qui fonctionne avec des assiettes percées n’est pas une bonne solution. Il faudra donc préciser à quelle assiette de revenus s’applique ce taux. Il faudrait aussi appliquer des taux d’imposition à tous les revenus (travail, patrimoine, dividendes, etc.), car il est aisé pour des hauts cadres dirigeants de se verser une partie des rémunérations en salaires, en dividendes, en plus-values… Les trois quarts des revenus financiers ne sont pas soumis au barème de l’impôt sur le revenu.
L’UMP et le Modem parlent pour leur part de «spoliation»,«d’impôt confiscatoire», de «déconnomètre»…
Les conservateurs sont en retard d’une guerre : ils ont oublié que la plus grande démocratie capitaliste du monde, les Etats-Unis, avait, de 1932 à 1980, u