Depuis l'élection de 2007, le sociologue Eric Fassin a chroniqué les années Sarkozy dans différents journaux, dont Libération. Il a regroupé ses textes dans Démocratie précaire (La Découverte), qui vient de paraître.
Lorsqu’on compare le discours de Villepinte de Nicolas Sarkozy avec celui prononcé après la mort de Mohamed Merah, le contraste est saisissant. Comment comprendre le rapport singulier qu’entretient très souvent Nicolas Sarkozy au passé immédiat ?
Nicolas Sarkozy se coule dans le temps médiatique : c’est celui du poisson rouge. Privé de toute mémoire, celui-ci ne s’ennuie jamais dans son bocal. Il tourne en rond, dans un présent pur, sans passé et sans avenir. Sans doute ce régime n’a-t-il pas inventé ce présentisme ; mais il en joue d’autant plus que cette temporalité médiatico-politique ne cesse de s’accélérer. Songeons aux sites web des journaux : les informations s’y renouvellent sans cesse, une actualité chassant l’autre. Quand on «rafraîchit» la page, les vieilles nouvelles cèdent la place aux nouvelles fraîches. Le passé, fût-il immédiat, est donc toujours déjà dépassé. Une telle temporalité dispense les politiques de rendre des comptes : qui a le temps de (se) rappeler ce qu’il a vu ou lu il y a trois mois, quand hier, c’est déjà loin ? Dès lors, comment pointer des contradictions ? On peut dire tout et son contraire ; qui s’en avisera, si le souvenir en est effacé au fur et à mesure ? Il suffit de faire une proposition par jour, vite engloutie dans l’oubli. C’est pour ne pas être piégé par le présentisme des actualités médiatico-politiques qu’il me paraît important de penser l’actualité, soit un présent traversé par l’histoire - à la fois par le passé et l’avenir.
Nicolas Sarkozy a affirmé, jeudi à Strasbourg, que les crimes de Mohamed Merah «n’étaient pas ceux d’un fou» et ajouté qu’il était néanmoins impossible de chercher à les comprendre… Comment l’entendre ?
Le carnage d’Osl