Pour dire la singularité de cette étrange campagne, le philosophe Jean-Pierre Dupuy a exprimé sa «honte» d'avoir vu «le politique se laisser humilier par l'économie, la puissance par l'intendance».
On peut certes trouver le propos excessif, mais il est un fait que la crise - ses réalités comme ses menaces - a aiguillonné, imprégné, façonné tous les débats comme jamais sous la Ve République. Chaque candidat a même dû accepter de se laisser interroger comme s'il passait un grand oral d'économie. Dans un ultime baroud d'honneur, Nicolas Sarkozy a cru devoir brandir, cette semaine, le spectre d'un troisième tour - économique et financier cette fois - qui viendrait terrasser la France en cas de victoire du candidat socialiste.
Au procès de l'irresponsabilité qu'intente la droite à la gauche, on peut légitimement répliquer qu'une austérité généralisée, aveugle et injuste n'a jamais fait une politique. Et surtout ne crée pas de croissance. La preuve par la Grèce. Mais, à quelques jours du premier tour, force est de constater que cette «autre politique» n'est dessinée qu'en filigrane. L'enquête que publie Libération démontre certes que les grands choix politiques et économiques, fiscaux notamment, ne sont pas identiques, et souvent même diamétralement opposés. Mais les «programmes de redressement» comportent trop de paris incertains sur l'avenir pour être tout à fait crédibles. C'est aussi l'un des effets de la crise : dans un mo